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Titre du blog : Randos, voyages, citations, contes
Auteur : Baladine
Date de création : 08-06-2024
 
posté le 26-11-2025 à 16:42:20

L’ultracrépidarianisme

 
 
 
 Ultracrépidarianisme - Pascale DUC - Rédactrice Web
 
 
 L’ultracrépidarianisme
 

J’ai appris un nouveau mot, bien utile !


L’ultracrépidarianisme. Je pense que je peux me le répéter souvent

et j’imagine vraiment ne pas être la seule

Qu’est-ce donc que l’ultracrépidarianisme ?


un sport devenu très commun, couru même et pire, très à la mode

jusque dans le monde des gouvernants, avec de – trop – nombreuses

compétitions et beaucoup d’adeptes. L’ultracrépidarianisme signifie

littéralement que « le cordonnier doit s’arrêter à sa chaussure », en

traduction littérale de la locution latine : Suto, ne supra crepidam.

Toujours obscur me direz-vous. Pas du tout.

 

Car l’ultracrépidarianisme, c’est cette assurance propre à l’incompétence,

« je ne suis pas épidémiologiste, mais je pense que »,

« je ne suis pas infectiologue mais pour le vaccin je pense que… » 

Je dois à l’épatant philosophe des sciences, Étienne Klein, d’avoir

appris ce mot jouissif qui est un glaive pour nous tous.


Car voilà, chacun se sent spontanément compétent.

Et nous avons tendance à écouter ceux qui parlent de tout comme

s’ils nous rassuraient par leur pseudo-certitude, alors que ceux qui

savent, un peu, doutent et parlent en nuance.

L’ignorance rend plus sûr de soi que la connaissance.

 

Le 5 avril* dernier un journal parisien effectuait un sondage afin

de savoir si tel médicament est efficace ou non contre la covid 19,

alors que nul ne connaissait cette réponse. *un article qui date un peu

 

Près de 80 % des français ont répondu oui ou non,

20 % seulement osant dire ne pas savoir.

Qu’est-ce qui nous empêche donc de dire « je ne sais pas ».


Quand certains clament, urbi et orbi, à la ville et au monde, des

conclusions simples et tranchées, il faut savoir résister et se donner

le temps. La demande de certitudes ne rendra pas un traitement plus

efficace ! Seul le travail rigoureux, confronté, analysé, éprouvé, le fera.

 

Le danger, non des moindres, de cet ultracrépidarianisme, est de ranger

les sciences – et leurs débats nécessaires- au rang des croyances.

L’idée de vérité s’en trouve ainsi lentement abrogée et c’est la possibilité

d’un monde commun qui se trouve en souffrance. Au bout du compte,

c’est le réel qui est sommé de se taire. En 1992, au lendemain de la guerre

du Golfe, un auteur américain[1] constate que le peuple, après les mensonges

de Richard Nixon, en est venu à avoir peur de la vérité́.

 

Il écrit « Nous ne voulons plus de mauvaises nouvelles, nous attendons

donc du gouvernement qu’il nous protège de la vérité́.»

Gardons-nous de toute nos forces de cette pathologie-là, chacun, et

aiguisons nos oreilles quant à ceux qui s’autoproclament haut et fort

experts des choses les plus complexes.

 

Quand on a envie d’un miracle, il faut savoir attendre[2].

Cette maxime de Günter Grass est à méditer !

Lisez plutôt Le goût du vrai d’Etienne Klein, chez Tract Gallimard, juin 2020. 

Véronique Margron op.

[1] Steve Tesich, dans un pamphlet intitulé The Wimping of America

(« La déroute de l’Amérique »). Cité par Etienne Kein.

[2] Dans Le Tambour, 1961.